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Métro, apéro zéro, dodo

L'envie

Un (m)cocktail pas piqué du verre, secoué par une forte personnalité

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Koks & Tales fait partie des 150 meilleurs bars au monde

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Koksandtales.com

Laborieux, mondain, destructeur, l’alcool est tout ça à la fois. Un dur labeur pour des vignerons et des marques qui s’échinent à proposer des flacons de qualité. Un rituel qu’on partage entre amis au moment de l’apéro. Un exutoire qui permet de relâcher la pression. Un cercle vicieux dans lequel on s’enferme pour effacer les souffrances, parfois elles-mêmes liées à l’alcool, et qui ne concerne pas seulement les soiffards qui, dès le matin, lèvent le coude.

La bibine, la gnole, la piquette, on pourrait en parler jusqu’à plus soif. Dans tous les cas, limiter sa consommation ne peut être que bénéfique, surtout pour la santé. L’abstinence (provisoire) améliore sommeil, concentration, aspect de la peau. Elle peut aussi engendrer un regain d’énergie et une perte de poids. C’est pourquoi certains s’adonnent à la Tournée Minérale, le pendant belge du Dry January, en se mettant au défi de ne pas boire une goutte d’alcool au mois de février.

Pour combler les volontaires, sans effrayer les détracteurs, on a demandé à Rob Biesmans de Koks & Tales à Hasselt de concocter une recette de mocktail fort de café Charles Liégeois. L’occasion de pousser la porte d’un bar à (m)cocktails bien secoués par une forte personnalité.

Sourcing sourcilleux

« Je pars toujours d’un classique pour construire une recette. Dans le cas d’un mocktail, l’exercice est plus difficile, car quand on enlève l’alcool, on perd en puissance et en goût. Les clients ne comprennent pas toujours pourquoi un mocktail coûte aussi cher qu’un cocktail. Or, toutes les bouteilles que vous voyez derrière moi valent plusieurs dizaines d’euros. Un spiritueux sans alcool de qualité, comme Botaniets, est issu d’un long travail : le gin original, déjà distillé, l’est à nouveau trois fois pour en extraire l’alcool. Botaniets propose également un spirit au gingembre frais et écorces de yuzu japonais, parfait pour un Moscow Mule NA. Ce type de produits apporte plus de profondeur et d’équilibre aux mocktails. Ça nous permet d’être plus créatifs en termes de mocktails qu’auparavant. »

Rob Biesmans travaille également avec Nona, autre alternative belge non alcoolisée au gin. « Je reçois beaucoup de propositions sans intérêt de la part de distributeurs. Bien souvent, les effervescents sans alcool sont des jus de fruits agrémentés de sucre, de colorant et de gaz. Heureusement, certains se démarquent. French Bloom est une alternative élégante au champagne, lancée par Maggie Frerejean-Taittinger, la fille de la maison rémoise. C’est un produit très bien présenté. Il est agréable en bouche, fruité mais pas chimique. »

Koks & Tales a démarré il y a dix ans, dans la rue. « Je n’avais ni toit ni boulot, personne ne voulait m’embaucher. Si je voulais gagner du pognon, il fallait que je lance ma propre boîte. En vivant dans la rue, sans argent, sans banquier ou qui que ce soit derrière moi, c’était pas facile. Alors j’ai mis une table dans la rue à Hasselt, avec trois, quatre bouteilles à moitié remplies que j’avais glanées à gauche, à droite. Et j’ai commencé à faire des cocktails à 5 euros. »

De son propre aveu, ses premiers breuvages ne ressemblaient à rien. Mais Rob ne partait pas complètement de zéro puisqu’il a jadis fréquenté les bancs de l’école hôtelière à Spa. « À l’époque, j’ai suivi mon frère qui a voulu devenir cuisinier du jour au lendemain. Nos parents sont flamands, mais mon père travaillait dans un restaurant à Eupen. Mon frère a mis un terme à sa carrière dans l’Horeca l’an dernier, lassé du comportement des étudiants flemmards et des clients exigeants, voire arrogants, qui ont parfois la prétention de vouloir nous apprendre notre métier après avoir vu une émission à la télé. Ils ne constituent pas la majorité, bien sûr, mais ils sont déjà trop nombreux. Le client est roi est un mantra qui date d’une époque où les clients respectaient davantage notre travail. »

Rien de neuf sous le soleil d’un secteur en proie à de nombreuses difficultés. Le meilleur restaurant du monde, noma au Danemark, fermera ses portes en 2024 pour se réinventer en laboratoire culinaire. « Une décision motivée par l’aspect financier, certes, mais aussi par ce que ça coûte à un restaurateur, sur le plan émotionnel, de tenir les rênes d’un établissement Horeca », conclut Rob, empereur dans son empire.

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