Mise au vert à Hasselt, au restaurant Vangroenten, où les reviews sur Internet ont nourri mes échanges avec Kaat et Lien.
Ce jeudi-là avant Noël : croquette omage to fromage comblée de tartare et préparée à base de noix et de graines, on s’y croirait ; frites qui donnent la patate (douce), juste habillées d’huile à l’ail ; chou-fleur rôti, parfumé au dukkah et escorté de lentilles, huile aux herbes. Avant une épatante lasagne de légumes de saison et autres champignons, oignon rouge, seitan et passata maison. Le tout partagé dans un décor simple mais pas simpliste : comptoir vert bouteille, grands rideaux coquille d’œuf, tables et chaises aux lignes épurées, banquettes fédératrices, carrelage gris.
J’ai savouré ce moment – et ce mocktail bombesque (jus de pomme, vinaigre, cannelle) mixé par Elias Fraikin de Slow Wine, dont je ne manquerai pas de vous parler un jour dans kuisine. Dans le cas contraire, j’aurais ravalé mon avis et choisi une autre table qui ne me laissait pas un goût amer. Parce que le restaurant doit rester associé à une notion de plaisir. Parce qu’il reflète parfois le travail de toute une vie, et toujours l’investissement d’une équipe, de chefs, de serveurs qui sont trop souvent pressés comme des citrons par des clients, voire des concurrents, qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère.
Avant de réserver une table, nombreux sont ceux qui consultent l’e-reputation des restaurants pour se mettre l’eau à la bouche. Laquelle est principalement alimentée par les commentaires de clients sur des plateformes comme Tripadvisor ou Facebook. Aujourd’hui, avec Internet en général et les réseaux sociaux en particulier, ces pseudofoodies s’improvisent critiques gastronomiques. Ils se font un devoir de vomir sur la place publique tout ce qu’ils ont exécré lors de leur dernière sortie. Le secteur de l’Horeca, très exposé ces dernières années, est le premier concerné. Les coiffeurs ou même les bouchers échappent bien souvent à ce genre d’opprobres. Un phénomène qui a pris de l’ampleur et sur lequel viennent se greffer les no show, faux avis, clients indélicats, influenceurs sourcilleux et autres photos au flash peu flatteur. Somme toute, un cocktail explosif de mauvaises conditions de travail qui explique peut-être, en partie, la pénurie de personnel dans l’Horeca.
« Mon métier, c’est cuisiner, ce n’est pas prendre des photos pour Instagram. Mais aujourd’hui, dans notre ère hyperconnectée, si on ne publie pas un post tous les jours, on stresse. Et on stresse encore plus quand d’autres s’en chargent« , lâche Kaat d’emblée. « Un jour, un couple et leur fils entrent dans le restaurant. Ils étaient de mauvaise humeur, ça se voyait. Une sale ambiance a régné à leur table toute la soirée, c’était tout sauf agréable… Au moment de l’addition, ils me disent qu’ils ont bien mangé. » Quelques heures plus tard, en lisant tout le contraire sur Google, Kaat se rend compte qu’ils lui avaient raconté des salades. « Ça me rappelle un commentaire, il y a plusieurs années, qui recommandait à la serveuse d’une cinquantaine d’années (moi en l’occurrence) de prendre sa retraite ! »
En Flandre ou en Wallonie, Horeca, même combat. Nos amis des Coudes sur la Table à Liège sont conscients qu’ils exercent un métier de service. C’est pourquoi Baudouin et Benjamin restent sensibles à l’avis des clients, tout en étant partagés entre le retour constructif (personne n’est parfait) et l’horreur du bulletin scolaire. « Les réseaux sociaux se muent souvent en café du commerce avec ses esprits chagrins et ses exaltés. Sans parler de la grande communauté des silencieux, tantôt béats tantôt mal à l’aise de casser du sucre sur le dos d’un artisan », précise Baudouin, qui reconnait que beaucoup de paramètres entrent en compte. « L’éducation, le respect, la frustration, le fantasme, l’attente. »
Un conseil ? Se fier à une application vertueuse, basée sur des critères objectifs. Raisin recense tous les restaurants, bars, caves qui proposent à la carte au moins 30% de vin nature. Un vin souvent biologique ou biodynamique, uniquement fait avec du raisin et parfois un peu de sulfites, dans le respect de la nature et des hommes. Parce que tout est lié : là où on vous verse du vin nature, on vous sert aussi une gastronomie respectueuse du produit, du producteur et du client. La preuve en est que les restaurants Vangroenten et Les Coudes sur la Table y sont répertoriés, aux côtés d’authentiques adresses en Belgique, mais aussi en France, en Espagne, aux États-Unis, au Canada, au Japon et en Australie.